Joachim l'avait recueilli. Plusieurs fois, il s'était ensuite demandé pourquoi. Il avait eu pitié, il avait trouvé dans ces yeux effrayés un échantillon d'humanité qu'il pensait pouvoir sauver. La vérité était plus simple, tellement plus simple et pourtant tellement dure à admettre : Joachim était veuf. Peut être Joachim vit-il en cette vampire en devenir une seconde chance, la possibilité de se racheter de son incompétence face à la maladie de son épouse défunte. Ou tout simplement était-ce là un moyen pour lui même de ne pas devenir fou. A son chevet, il répéta des gestes qu'il crut enfouie. Retrouva le quotidien et les réflexes dont, tout au fond de lui même, il avait besoin. Nuit après nuit, il aida la jeune femme à combattre le Mal. Il y a allait de la survie des deux. Lorsqu'elle vacilla une dernière fois, possédée par toute sortes d'entités venues l'attirer à leurs côtés, Joachim lui fit sa promesse. La promesse de ne pas laisser son âme en tourment. Le lendemain, elle avait disparu. Ne restait qu'un lit défait. Ni tout à fait humaine ni tout à fait vampire, les forces obscures étaient venues acquérir leurs dues. Joachim avait promis. Le peu de vie qu'il lui restait avait alors un sens. Il s'était préparé, s'équipé, enquit de secrets, et avait rejoint pour se présenter face à la Mort et tenir sa Promesse.
La Mort regardait Joachim d'un air triste, lisant dans ses pensées les plus profondes. Dans le lit, la femme-vampire fut pris de tremblements et ouvrit à nouveau les yeux. Sa transe l'avait apaisé, elle s'assit sans effort et à cet instant, elle semblait à nouveau être la mortelle qu'elle fut dans une autre vie. Joachim s'approcha. La Mort le laissa faire, impassible, pendant qu'il s'agenouillait et fouillait sa besace. En sortit une petite croix, quelques herbes, un objet informe dont émanait une lueur verdâtre. Joachim lia bras et jambes de la vampire. Brûla les herbes dans l'ordre qu'on lui avait indiqué, récita les paroles qu'on lui avait apprises, apposa croix et talisman au rythme de ses incantations. La pièce s'emplie de cris et d'odeurs. Puis Joachim prononça ses derniers mots, accomplit ses derniers gestes et, essuyant la sueur de son front, brûla une dernière sélection d'herbes dont il répartit les cendres en cercle. Le silence se fait. Le rituel est terminé.
La jeune femme gît inerte, entravée dans ses liens qui l'ont ouverte jusqu'au sang. Joachim lui touche le pouls. Il est faible, mais présent. Il la délie, la prend dans ses bras pendant qu'elle revient à elle. La Mort ne perd rien de la scène, Joachim le sent, mais ne se soucie que de sa protégée, des yeux marrons qui désormais lui font face où ne brille plus que l'humanité. Sa Promesse est tenue. Il serre la jeune femme dans ses bras, priant malgré lui pour que cet instant se prolonge encore un peu. Dans cette étreinte, il a l'espoir de pouvoir repartir avec elle, de quitter Starje Glogan et de revoir son petit village au quotidien monotone. La piqûre dans son cou devient une douleur. La douleur une extase. Joachim a l'impression de flotter puis de finalement tomber. Il y a quelque chose de dur contre son dos. Joachim est couché au sol, au pied du lit, sans comprendre. Ou plutôt, il ne comprend que trop bien. Il a échoué, acteur malgré lui d'une mascarade courue d'avance. Ses talismans inutiles roulent sur la plancher. Dans son vertige apparaît le visage de la jeune femme, la bouche en sang, léchant ses petits crocs. "On ne peut m'enlever ce que je possède" lui dit la Mort, tandis que les crocs replongent dans sa gorge et que sa vie s'échappe au gré des sucions.
Massés autour de la maison de la Mort, les Maudits se dispersent, alors que Joachim pousse son dernier soupir. Starje Glogan, la ville des âmes en peine connaîtra bientôt un nouveau pensionnaire. La Mort y veillera.
- Shfaaaaaaaaar...
Voilà, donnez vos avis. Les trois autres viendront par la suite.
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Sujet: La Promesse (suite) 
