A Taste for Flesh Bis

***** ATTENTION***** LIRE D'ABORD A TASTE FOR FLESH*****




Affolée, Sophie atteint la voiture de son amie mais les clés n’y sont pas, bien sûr. Elle cogne sur le toit plusieurs fois avec force et ne réussit qu’à se faire mal. Son regard parcourt les alentours mais il n’y a rien, aucune lumière rassurante aperçue entre les arbres, aucune autre cabane visible, rien d’autre qu’un sentier d’une cinquantaine de mètres qui mène vers la route.

- « Je suis où, ici, mais merde, pouvaient pas s’installer dans un lieu civilisé aussi ? »

D’un pas hésitant, elle se dirige vers la forêt mais finalement, la perspective de se perdre et tourner en rond avec ce taré dans les parages ne l’enchante guère. Elle jette un coup d’œil vers la petite maison. Tout est calme. Une lumière accueillante illumine les fenêtres, une douce odeur de bois brûlé s’échappe par vagues de la cheminée. Rien n’indique le meurtre sauvage qui vient d’ôter la vie à sa meilleure amie. Sophie serre ses bras autour d’elle et frissonne dans son t-shirt.

- « Manon… »

Le prénom passe ses lèvres dans un murmure à peine perceptible et Sophie craque. Elle se laisse tomber à genoux, son corps secoué de sanglots. L’image de la mort atroce de son amie défile sans cesse devant son œil intérieur, maintenant sa souffrance à un niveau maximal. Soudain, des branches craquent derrière la cabane. Sophie lève la tête d’un geste brusque mais l’obscurité l’empêche de voir quoi que ce soit. Si elle y retourne, le tueur s’en prendra à elle, c’est évident. Si elle se dirige vers la route, elle aura plus de chances de s’en sortir. Personne ne peut plus rien pour Manon, de toute façon.

Sophie se lève et prend quelques pas lourds sur le sentier. Le bruit dans la forêt a cessé. Chaque mètre franchi lui donne envie d’en prendre deux dans le sens inverse juste pour rester aux côtés de son amie. Elle ne supporte pas de la laisser seule ici avec ce psychopathe.

Elle a parcouru une dizaine de mètres seulement lorsqu’un grand CRAC ! résonne comme un coup de feu sur sa droite. Elle sursaute et pousse un cri involontaire. Ses jambes se mettent à courir d’elles-mêmes mais le tueur sort de la forêt un peu plus loin et lui barre la route. Déconcertée mais ans hésiter, elle plonge entre les arbres sur sa gauche. La nuit est déjà tombée et la lune n’est pas encore assez haute pour éclairer quoi que ce soit. Sophie avance à l’aveuglette, les bras tendus devant elle pour éviter de se prendre une branche basse dans la figure. Elle essaie de contrôler sa respiration et retenir son envie de hurler pour évacuer la tension. N’y tenant plus, elle plaque sa main sur sa bouche ce qui étouffe un peu son cri qui n’en finit plus. Elle n’ose pas s’arrêter et le bruit qu’elle fait couvre celui que ferait le tueur à ses trousses. Elle tourne rapidement la tête mais la visibilité est quasi nulle sous le feuillage. Ne voyant pas où elle met les pieds, il lui est impossible d’éviter la vieille souche qui se dresse sur son chemin. Son pied passe au travers du bois vermoulu et reste coincé. La jeune femme s’étale de tout son long et une douleur aiguë irradie immédiatement toute sa jambe droite depuis la cheville. Cette fois, elle ne réprime pas son cri de souffrance. Des branchent craquent derrière elle. Ah non, elle ne mourra pas aussi facilement !

Sophie se remet péniblement debout et libère sa jambe. La douleur est insupportable et rend impossible le fait de s’appuyer sur son pied. Le tueur approche à grands pas. Elle tourne la tête et le voit, là, à quelques mètres seulement. Prise de panique, elle oublie sa cheville blessée et tombe de nouveau. Elle n’a même pas le temps d’amortir sa chute avec les mains et son visage s’enfonce dans un mélange odorant de feuilles mortes, de copeaux de bois et de mousse humide. Les minuscules détritus lui piquent les yeux et elle recrache plusieurs fois. Elle sait que le tueur s’apprête à lui tomber dessus et son instinct de survie prend le dessus. Sans réfléchir, elle attrape une branche cassée, se retourne et la pointe vers le haut. Le tueur s’est placé au-dessus d’elle, avec un pied de chaque côté de son bassin. Au moment où Sophie se retourne, il se laisse tomber à genoux et se penche en avant. La branche lui transperce la gorge avec le bruit mouillé d’un melon que l’on écrase. Le tueur se fige, ne fait aucun bruit. Sophie pousse de toutes ses forces sur son pied valide et réussit à se dégager juste à temps pour que le corps ne lui tombe pas dessus.

Elle reste assise pendant de longues minutes, son corps en proie à de violents sanglots. Le froid la gagne, s’insinuant par son jean, picotant sa peau de façon désagréable. Ses bras nus sont recouverts de chair de poule, il faut qu’elle parte de là.

La douleur aiguë de sa cheville foulée s’est transformée en une sorte de pulsation sourde qui lui fait grincer des dents. Elle desserre les lacets à tête de mort de ses baskets montantes, le soulagement est immédiat. Sous la chaussette, elle sent la peau brûlante et distendue au maximum par dessus la cheville enflée. Elle attrape l’une des branches cassées et teste sa solidité. Ca fera l’affaire.

Elle choisit de simplement rebrousser chemin et contourne le corps du tueur avec un frisson de dégoût absolu. Si elle avait pu, elle l’aurait roué de coups de pied. Bien que ce soit une faible substitution, elle se racle la gorge et lui crache sur la tête.

- « Tu passeras le bonjour à Michael Myers, tête de con… »


Après une longue marche où il lui semble revenir plusieurs fois sur ses pas, Sophie sort enfin de la forêt. La route s’étale silencieusement devant elle et le virage pour se rendre à la cabane est à quelques mètres seulement. Soulagée, elle s’y dirige quand soudain, les phares d’une voiture apparaissent plus loin. Elle agite un bras au-dessus de sa tête, l’autre servant à s’appuyer sur sa canne improvisée. La voiture ne roule pas très vite et le conducteur ralentit en s’approchant. Le véhicule a quelque chose de familier. Sophie s’immobilise, fronce les sourcils. Le conducteur s’arrête à sa hauteur. C’est la Twingo de Manon. La portière s’ouvre, No More Mr Nice Guy d’Alice Cooper s’échappe à toute volume. Le conducteur sort avec difficulté. Ayant la lumière éblouissante des phares dans les yeux, Sophie ne voit qu’une massive silhouette noire. Lorsqu’il se tourne sur le côté, elle voit la branche qui transperce encore sa gorge.

Sophie pousse un hurlement inhumain qui se perd dans les ténèbres avant d’être brusquement interrompu.



-----FIN-----